jeudi 2 janvier 2014

53-54 Talence, Arès, Meudon

Cliquez sur les images pour les agrandir.


Abidjan mai 53 / Arcachon juin 53

Rappel : je n'ai aucun souvenir de tous les événements décrits dans cet article. Il s'agit donc d'une reconstruction à partir des photos que je possède et de ce que l'on m'a raconté.

J'ai 18 mois et me voici à l'aéroport de Port-Bouet, dans un DC4 (peut-être) en partance pour Bordeaux, en compagnie d'une dame à qui l'on m'a confié. Est-ce que je la connais ? Je ne sais pas. Mes parents redescendent de l'avion, me laissant sous sa garde. Je n'ose imaginer quels furent mes sentiments à ce moment-là mais je suppose que la perplexité devait le disputer au désespoir.

Abidjan Port-Bouet années 50      /      Bordeaux Merignac en 1963
Attention, l'échelle n'est pas la même. Cela se voit à la taille respective des avions.
Abidjan est encore un "petit" aéroport comparé à Bordeaux. 

Nous arrivons à Bordeaux-Mérignac. Deux inconnues, ma grand-mère maternelle Henriette et ma sœur Martine, sont venues me chercher. Il faut rappeler que ma sœur n'a connu notre mère que de 0 à 6 mois avant que celle-ci ne s'en aille en Afrique avec notre père, la laissant à la garde d'Henriette qui, de fait, a joué pour elle un vrai rôle de mère.

Récit de ma sœur : "cette dame a descendu la passerelle avec toi dans les bras. Tu pleurais beaucoup. Puis elle t'a confié à Grand-mère. Tu as pleuré de plus belle".

Je fais alors la connaissance de ces deux membres de ma famille. On nous retrouve sur la plage d'Arcachon à quelques temps de là. Voir photo en haut de l'article. J'ai déjà presque doublé de volume, preuve évidente que la France me "profite".

A partir de là, je vais m'adapter progressivement à mon nouvel environnement, physique et humain..
Ma grand-mère me promène, m'emmène en ville, toujours en compagnie de ma sœur.

gauche : Martine et moi / droite : Avec ma grand-mère Henriette Ibos née Chazal.
Le chapeau que je porte me valait de la part des adultes, le surnom moqueur de "Le Boer" (prononcé à la française).


Ma grand-mère paternelle, Blanche Villemain veuve Magniez, est également présente. Elle est venue de son domicile de Meudon pour prêter main forte à Henriette. Les deux dames se répartissent les tâches. Henriette s'occupera plus particulièrement de Martine, comme elle l'a fait pratiquement depuis sa naissance, et Blanche de moi.


La maison de Talence, av. Jean-Jaurès, aujourd'hui.

Reconstitution 3D sous Sketchup


La même, de trois-quarts. Devant, les pavés.Au fond, sous la terrasse,
le chai que l'on retrouve sur l'image suivante. 
.
Le premier étage ressemblait à peu près à ce plan. 


Je me laisse apprivoiser. Ma grande sœur reçoit la charge de m'occuper.

Devant le chai. Je suis vêtu de ma fameuse "bambinette" (lire plus bas).

Ma "grand-mère de Meudon" -- plus tard, nous avons appelé nos grand-mères respectivement "Grand-mère de Meudon" et "Grand-mère de Talence" -- m'emmène en balade dans les rues de Talence et de Bordeaux. Plus tard, elle m'a raconté qu'à chaque fois que nous passions devant un café, je m'écriais "A babar ! A babar !". Je tiens néanmoins à préciser que cette vocation de pilier de bistrot fut éphémère.

Blanche avait gardé un souvenir assez précis de cette période. Des années plus tard, elle prenait un plaisir espiègle à m'imiter disant "Je n'f'rai pas pipi dans ma bambinette ! Je n'f'rai pas pipi dans ma bambinette !" J'en conclus que l'on m'avait sévèrement tancé pour m'être ainsi oublié et qu'on me faisait répéter cette antienne comme une sorte de mantra. Etant donné l'amusement rétrospectif que l'évocation de cette scène semblait procurer à ma grand-mère de Meudon, je suppose que c'était l'autre, Henriette, qui m'obligeait à prononcer cette formule magique et que c'est d'elle que Blanche se moquait autant que de moi.
Il faut dire que les choses se gâtèrent assez vite entre les deux grand-mères et que le climat se refroidit à vitesse grand V.

Je tiens de ma sœur le récit de cette scène au cours de laquelle Henriette, excédée, n'en pouvant plus de cette cohabitation forcée, était montée prendre ses quartiers au deuxième étage, sa machine à coudre sous le bras.
J'ai revu mes deux grand-mères en présence l'une de l'autre 4 ans plus tard, pendant l'été 1957. Il ne me semble pas que leurs rapports s'étaient beaucoup réchauffés, même si je ne me souviens pas d'avoir assisté à un esclandre quelconque.

Les mois passent. Je passe les fêtes de Noël à Talence.


Après un hiver particulièrement rude (le fameux hiver 1954), arrive le printemps et, avec lui, ma mère, venue libérer ma grand-mère de sa tâche. En effet, celle-ci commençait à lutter contre le cancer qui devait l'emporter en septembre 1958.

Je ne sais pas quel laps de temps sépare ces deux photos.
Sur la deuxième nos tenues semblent moins hivernales.
Est-ce que je reconnais ma mère ? Je ne sais pas. Plus de six mois se sont écoulés et j'ai à peine plus de deux ans. Mon père ne tarde pas à nous rejoindre. Peut-être au début de l'été. Ma sœur aussi fait la connaissance de ses parents, elle qui n'a connu ma mère que pendant ses six premiers mois et mon père probablement le temps d'un éclair en octobre 1949.

De cette période où nous sommes tous réunis à Talence, je ne garde pas non plus le moindre souvenir. Juste une anecdote : ma sœur raconte qu'elle s'était fait punir parce qu'elle s'amusait à me coincer les doigts dans mon parc. Il ne fait pas de doute qu'elle devait l'avoir mauvaise d'être sanctionnée par ces gens qui affirmaient être ses parents mais n'étaient pour elle que des étrangers. 

Puis, l'été arrivant, on nous a emmenés à Arès. Blanche était là. Henriette était probablement à l'hôpital ou était restée se reposer avenue Jean-Jaurès. Arès est une station balnéaire située au nord du bassin d'Arcachon. 

Arès est indiqué par la flèche rouge. 



Arès Eté 1954 


Avec notre père et sa mère,  Blanche.
Après ces vacances balnéaires, toute la petite famille : grand-mère, papa, maman et les deux enfants s'acheminent vers la région parisienne, à Meudon, où notre grand-mère avait un pavillon.



C'est à Meudon que nous vivons nos dernières semaines avant le départ pour Abidjan. D'après ma sœur, elle y aurait commencé l'année scolaire. De mon côté, trop jeune pour être scolarisé, je prends néanmoins de cours de jardinage et, notamment, d'arrosage.

"Regarde. C'est comme ça qu'il faut faire."

Peut-être dans le jardin du pavillon de Meudon. Raymond, Blanche, Adrienne.
Le séjour à Meudon est également agrémenté de visites touristiques. Je  ne sais pas quel enthousiasme je manifestais mais je sais que celui de ma sœur restait très modéré, ce qui avait le don d'énerver mes parents.
Comment ! On faisait tout pour enrichir sa culture et voilà qu'elle affichait un ennui ostensible ! (propos de mes parents récemment rapportés par Martine). Bon, j'avais moins de trois ans et ma sœur cinq ans et demi. On peut comprendre que ses visites ne nous passionnaient pas.

Martine garde le souvenir de plusieurs lieux différents. Comme je ne me rappelle absolument rien de cette époque, je la crois sur parole. Cependant, grâce à des photos, je sais que le château de Saint-Germain-en-Laye fit partie du programme.

Le pont qui enjambe les douves du château de Saint-Germain-en-Laye.
Sur la photo de notre arrivée à l'aéroport d'Abidjan, nous portons les mêmes vêtements.


Quelques jours après cette photo, nous étions dans l'avion à destination d'Abidjan. Première visite pour ma sœur. Un retour, pour moi. Sauf que 18 mois s'étaient écoulés entre temps (mai 53-octobre 54) et que j'avais probablement oublié y avoir jamais mis les pieds. J'allais réapprendre à être Abidjanais. 

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