jeudi 26 décembre 2013

Cinéma Cinémas

Je vous propose, pour la B.O. de cet article, ce magnifique thème de Franz Waxman pour le film A Place in the Sun.
Dès que j'entends cette musique, me reviennent des images de séances de cinéma à Abidjan. Je ne sais pas pourquoi car je ne pense pas avoir vu ce film là-bas.
Sans doute quelque chose dans l'atmosphère générale de cette pièce, dans son style d'écriture assez daté "Hollywood années 50" et qui m'évoque certains films très dramatiques qui m'avaient particulièrement impressionné, comme, par exemple, Le Pays du Dauphin Vert.

Cette musique servit de générique à l'émission....Cinéma Cinémas, précisément. Étonnant, non ?

 

Je parlerai des 3 cinémas que j'ai fréquenté pendant mon enfance. Par ordre chronologique : le Rex, le Club, le Plaza..

Qu'il soit clair d'entrée que les qualificatifs que je vais leur attribuer -- le "populaire", le "charme", le "familial" -- sont entièrement subjectifs. Ils sont basés sur un vague ressenti enfantin et, de mon propre aveu, très approximatifs et réducteurs. J'aurais pu aussi bien dire "le citadin", "l'arboré" et le "moderne". J'aurais pu aussi bien leur assigner des couleurs, comme le jaune, le vert, le grenat ou encore, plus objectivement et plus prosaïquement, évoquer leurs configurations respectives :  "l'ouvert", le "semi-clos" et le "clos". En effet, seul le Plaza ressemble aux salles que j'ai connues plus tard ; un cinéma classique, en quelque sorte.

Rex, le populaire

J'ai commencé à fréquenter ce cinéma très tôt. Je crois que nous y allions déjà quand nous habitions à Cocody, entre 1955 et 1957. A cette époque, nous nous y rendions en famille. Plus tard, j'y allais avec ma sœur Martine, pour les matinées du jeudi, vers 18h00.
Une des séances mémorables fut celle des Dix Commandements, de Cecil B. Demille. 3h30 de film, avec un entracte au milieu. Charlton Heston ouvrant la Mer Rouge !! Yul Brinner sur son char. Grosse impression ! Je ne sais pas quel âge j'avais. Il me parait douteux que nous l'ayons vu à sa sortie en 1956. A cet âge-là (4 ans / 4 ans 1/2), je me serais sûrement ennuyé et, de toutes manières, je ne m'en souviendrais pas aujourd'hui.
Quand nous avons emménagé dans l'immeuble de l'avenue Chardy, nous étions à quelques minutes à pied du Rex.

Surtout, le Rex m'évoque les matinées du jeudi. A cette époque (57-60 puis 62-64), nous passions le jeudi après-midi à l'Ecole de Musique où ma mère donnait des cours de piano. L'Ecole occupait les locaux de l'école de la RAN, qui fut aussi la nôtre. Nous nous occupions comme nous pouvions, faisant nos devoirs dans la salle de ma mère, prenant nos cours de solfège auprès de M. Biscara, le professeur de trompette, nous baladant au long des"couloirs" en terrasse ou jouant dans l'immense cour.

Il faudra peut-être y revenir à ces soirées/journées à l'Ecole de Musique d'Abidjan.

Enfin, le jeudi après-midi, jour de congé scolaire, nous étions là. Vers 17 heures et quelques, nous prenions, ma sœur et moi, le chemin du cinéma.

En rouge, en haut à gauche, le bâtiment de la RAN/Ecole de Musique. En vert, l'itinéraire que nous suivions probablement. En mauve, un itinéraire alternatif. 
Je ne suis pas en mesure de jurer que cet itinéraire est exactement celui que nous suivions. Ce dont je suis à peu près certain, c'est que nous partions vers la droite et que nous arrivions au Rex en venant de la droite, côté Franchet d'Esperey. De surcroît, il n'y avait  guère d'autre option que celle-là si on regarde bien le plan de l'époque.

Un peu avant 18 heures, nous attendions notre tour de passer à la caisse.
.Puis nous allions nous installer dans les gradins.

Le Rex, côté "salle".  En bas à droite se profile l'amorce de l'écran.

J'aurais tendance à appeler ce cinéma le "diurne" -- par opposition au "nocturne" Club -- car ces séances du jeudi se déroulaient en matinée, avant le dîner. Façon de parler quand même, car, s'agissant d'un cinéma en plein air, il n'était pas question de commencer la projection avant la tombée du soir, vers 18 heures.

Par sa situation dans un quartier très urbanisé et très actif, le Rex est lié, pour moi à des couleurs plutôt vives et à une certaine excitation. Je suppose aussi qu'il y avait là pas mal d'enfants sans leurs parents et que cela a renforcé, dans mon souvenir, cette impression d'agitation.

J'y ai vu notamment pas mal de peplums, genre "Hercule" ou "Maciste", la plupart avec ma sœur. Mais aussi Le Tigre du Bengale et sa suite, le Tombeau Hindou, avec nos parents. Et puis beaucoup d'autres dont j'ai oublié les titres mais dont j'ai gardé l'image très vivace de certaines scènes et l'impression qu'elles m'ont fait. Le cinéma est un grand pourvoyeur d'émotions, davantage encore quand on a entre 6 et 12 ans.

Club, le charme


Le Club pourrait, sous toutes réserves, être le bâtiment désigné par la flèche rouge.
Les avenues qui coupent verticalement la photo. De gauche à droite : Général de Gaulle,
rue du Commerce, avenue Crosson-Duplessis, avenue Lamblin. 


Oui...Le "charme". On pourrait tout aussi bien dire le calme, le discret, le vert, l'arboré.

Quand je pense au Club, je vois la nuit (normal) et de la végétation. Je n'irai pas jusqu'à dire que ce cinéma était en pleine campagne ou dans la forêt. Non, l'avenue Lamblin était quand même au cœur du quartier du commerce. Malgré tout, j'ai gardé l'image d'un endroit plutôt vert. Vert sombre, à cause de la nuit. 

Un endroit très particulier. Quelque chose d'un peu plus solennel -- parce que moins fréquent? -- qu'une séance au Rex. Une vrai sortie, le soir après dîner. Mais sans queue, sans foule, sans agitation. Le feuillage des arbres sous l'éclairage discret des lampadaires. La nuit séductrice. Il y a quelque chose de vague et d'intime entre le Club et moi qui le rend cher à mon cœur.

 Je ne pense pas que nous y soyons jamais allés sans adultes. D'abord, le Club, on y allait toujours en voiture. D'où, peut-être, cette aura particulière. A l'époque, je n'avais aucune idée de l'endroit où il se situait. Ce n'est que d'aujourd'hui que je sais qu'il était à deux pas de la rue du Commerce, un endroit qui m'était relativement familier. Peu importait où il se trouvait : je m'y laissais emmener. Je n'identifiais l'endroit que lorsque nous arrivions à destination. [je tente de développer cette idée dans cet article].

Du point de vue de sa configuration, cette salle se situe à mi-chemin entre le cinéma classique, type "Plaza" fermé de tous les côtés et un cinéma en plein air comme le Rex. En gros, un parallélépipède ouvert, sur sa face gauche, sur une allée latérale donnant accès aux rangées de fauteuils. Dans mon souvenir, il n'y avait pas d'autre allée. 

C'est au Club que j'ai vu Blanche-Neige et Bambi, par exemple. C'est là, également, qu'une amie de mes parents nous avait emmenés voir La Chose d'un Autre Monde. Terreur assurée. Cette nuit-là, j'ai très peu dormi, attendant dans l'angoisse le lever du soleil. J'avais 12 ans.

Plaza, le familial.



Situé à Treichville, pas très loin de la lagune et du pont Houphouet,....

Treichville -- La flèche rouge situe approximativement l'emplacement du Plaza.
En haut à gauche, le pont FHB. A droite le point Gal de Gaulle, construit en 1967, après notre départ.

..... le Plaza était une salle fermée, une salle "à la française", de mon point de vue de jeune Abidjanais. A ma connaissance, nous ne l'avons fréquenté que dans les deux dernières années de notre séjour. (1962-1964).
Nous y allions le dimanche soir, avec nos parents. 

Il ne m'inspire pas de commentaire particulier. C'était, pour moi, un cinéma moderne, plus confortable que les deux précédents. J'en ai gardé le souvenir de moments agréables mais toujours un peu gâchés par le "syndrome du dimanche soir".On savait qu'en se mettant au lit une demi-heure plus tard, on prenait un aller direct sans passer par la case départ et sans toucher 20.000 frs pour le retour au collège du lundi matin. [J'ai connu ce syndrome pendant  toute ma scolarité ; c'est la raison pour laquelle, désormais, je m'arrange pour commencer le travail le mardi].
. C'est au Plaza que j'ai découvert Les Tontons Flingueurs, par exemple. Je me souviens également d'Alamo avec John Wayne, un film qui est resté "culte" pour ma sœur moi pendant quelques années. 








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